Luisa Antonia Rodriguez Ortega, Responsable de projet Cnuced : « Dans le futur la notion de compétitivité va être rattachée à la capacité des ports à décarboniser»
La décarbonisation était au menu du Foum africain des ports tenu à Abidjan les 25 et 26 mai 2023. En marge du panel sur le thème « les ports africains et le stress-test de la décarbonisation », le Nouveau Navire s’est entretenu avec Luisa Antonia Rodriguez Ortega, Responsable de projet sur les ports intelligents et durables pour les pays africains à la Cnuced.
La compétitivité des ports au niveau de la sous-région Ouest africaine est de plus en plus vive avec des investissements massifs. Pensez-vous que les ports assez engagés dans la décarbonisation possèdent un avantage concurrentiel?
La décarbonisation est un processus face auquel on ne peut pas échapper. Cela représente un défi pour les ports. Dans le futur la notion de compétitivité va être rattachée à la capacité des ports à décarboniser. On pourrait tomber dans des situations où un port recevra un certain type de navire parce qu’il a ou n’a pas entamé cette transition énergétique. Il est donc important de comprendre les opportunités que cela représente, mais aussi de comprendre quels sont les défis. Ils sont plusieurs sortes. Les investissements par exemple : ils requièrent plus de fonds par rapport aux nouvelles infrastructures. Il faudra prendre des décisions par rapport à une technologie et comprendre ce qui cela implique pour le port.
Tout ceci pourrait avoir un impact sur le coût du fret maritime ?
Il y a deux ans, nous avons fait des travaux à la Cnuced dans un cadre assez restreint relativement à des mesures prises par l’Organisation maritime internationale. C’est difficile de simuler l’effet de mesures plus globales parce que l’OMI est un aspect. Mais il y aussi d’autres mécanismes de régulation et d’autres standards privés qui sont en train de se mettre en place. Cependant, je dirai que potentiellement l’avancement de la décarbonisation pourrait être associé à des coûts plus élevés de transports dans le futur. Mais il y aura des opportunités par rapport aux flux de commerce qui pourrait se développer par rapport au transport d’énergie renouvelable. Le défi est donc là. Comprendre quels sont ces opportunités et essayer de permettre aux ports de capitaliser là-dessus.
Un projet d’accompagnement initié par la Cnuced dans le sens de la décarbonisation est en cours au niveau du Maroc, du Ghana, de Maurice. De quoi s’agit-il ?
C’est un projet des nations unies qui s’étale sur quatre ans. Il vise à accompagner les pays par rapport à cette réflexion stratégique afin de comprendre comment faire avancer le port dans cette notion de port durable et intelligent. On est dans cette démarche d’accompagnement par rapport à la réflexion stratégique. Cela permettra de développer des stratégies, de comprendre quelles sont les étapes à suivre et de tirer profit de ce phénomène qui est la décarbonisation et le développement de ports qui sont en accord avec cette tendance.
S’étendra-t-il à d’autres pays ?
On l’espère bien. Pour l’instant, il est prévu de faire ces études au niveau de trois ports. Ce qui est prévu au niveau africain, c’est d’avoir des discussions par rapport à ce concept de port. Pour l’instant cette analyse de port pilote est prévu juste pour trois ports. A la fin du projet on verra quels sont les résultats et si on pourra étendre cela à d’autres pays. L’idée au travers ce projet pilote, c’est cela. On crée une bonne base pour pouvoir répéter l’exercice dans d’autres pays qui pourraient être intéressés.
Des financements ou stratégies de mise en relation sont-elles en vue pour aider les ports à accélérer leur transition au Cnuced ?
La spécificité de notre organisation, c’est que nous n’avons pas la possibilité de donner directement de l’argent pour financer ces projets. Néanmoins, on a remarqué dans les discussions avec les ports bénéficiaires qu’il y a un réel besoin de mettre en relation ces possibilités de financement et des projets concrets. On va essayer dans le cadre de ce projet en place une possibilité de dialogue qui puisse permettre d’avancer dans la compréhension de cet écosystème de financement pour les pays africains. Et de pouvoir jouer un rôle d’intermédiaire avec d’autres partenaires.