Nadia Koné Nioupin (MSC CI) : « Les femmes doivent être au cœur de la transformation du secteur maritime »

Du 12 au 14 juin 2025, Abidjan a accueilli la 2ᵉ édition du Salon de la Supply Chain, réunissant plus de 2 000 acteurs du secteur. À cette occasion, Madame Nadia Koné Nioupin, Directrice Commerciale de MSC CI, est intervenue lors d’un panel sur l’égalité des genres avant d’accorder une interview dans laquelle elle a rappelé son engagement en faveur d’une logistique plus inclusive.

Le Nouveau Navire : Madame la Directrice, vous avez mis en lumière dans votre intervention lors du panel les défis de la sous-évaluation des femmes dans le secteur de la logistique. Concrètement, quelles initiatives phares vous souhaitez lancer ou mettre en œuvre, pour promouvoir la place des femmes et l’égalité des genres au sein du secteur maritime ? »

Nadia Koné Nioupin : Il y a déjà plusieurs initiatives d’associations de femmes comme WILAT , WILA ET WIMA etc. Je peux citer pêle mêle entre autres, la création de programmes de mentorat et de leadership féminin qui permettent de soutenir les talents féminins à fort potentiel, en les accompagnant dans leur progression professionnelle grâce à des coachs expérimentés, hommes et femmes. Il y a également des campagnes de sensibilisation dans les écoles et universités qui a but  de  déconstruire les stéréotypes de genre au sein des établissements. Sans oublier des journées portes ouvertes  dans les établissements avec l’objectif de présenter les métiers du maritime comme des opportunités accessibles à toutes et à tous. On pourrait aussi créer un fonds de formation dédié aux femmes du secteur maritime afin de  favoriser l’accès aux certifications et diplômes techniques ou de management maritime, notamment pour les femmes en reconversion ou issues de milieux défavorisés. Et valoriser un peu plus les modèles de réussite féminins  à travers des portraits, des témoignages, des prix ou des distinctions, et mettre un peu plus  en lumière les parcours inspirants de femmes qui réussissent dans ce domaine, afin de créer des vocations.

LN : « Votre livre, « Les aventures de Yéoh, le petit conteneur rouge », initie les enfants au monde fascinant du transport maritime. Comment cette œuvre peut-elle, selon vous, casser les stéréotypes de genre dans un domaine historiquement dominé par les hommes, et susciter des vocations féminines dans ce secteur clé pour l’avenir de la Côte d’Ivoire ? »

Nadia Koné Nioupin: Merci pour cette question qui me touche particulièrement. En écrivant « Les aventures de Yéoh, le petit conteneur rouge », mon objectif était d’ éveiller la curiosité des enfants sur le monde du transport maritime et je pense que cette œuvre contribue à casser les stéréotypes . En effet, L’œuvre rend l’univers maritime accessible et attrayant dès le plus jeune âge car il s’adresse aussi bien aux filles qu’aux garçons. Il leur montre que ce domaine est passionnant, plein de découvertes, de technologies, de voyages, et qu’il est à la portée de toutes et de tous. Par ailleurs, en stimulant l’imagination et la projection l’enfant qui s’identifie à un personnage ou qui découvre un métier par le jeu ou l’histoire peut, plus tard, nourrir une vocation. Le livre devient ainsi un outil de sensibilisation mais aussi d’empowerment pour les jeunes filles.

LN : « D’après votre expérience, quelles sont les principales barrières que rencontrent les femmes qui souhaitent faire carrière dans la logistique, et comment ces obstacles peuvent-ils être surmontés pour favoriser une plus grande inclusion ? ».

 » Les femmes se heurtent à plusieurs barrières… »

Nadia Koné Nioupin : Les femmes qui souhaitent faire carrière spécialement dans ce secteur se heurtent à plusieurs barrières à la fois culturelles, institutionnelles et personnelles. Parmi les plus récurrentes, il existe les stéréotypes de genre.  Le secteur logistique est encore perçu comme un milieu “physique” et “masculin”. Cette perception décourage parfois les jeunes filles dès le choix de leur orientation scolaire ou professionnelle. Et Les contraintes liées à la maternité et à l’équilibre vie pro/vie perso tel que  les horaires décalés, les déplacements fréquents ou la pression opérationnelle sont parfois incompatibles avec une organisation familiale supportée en grande partie par la femme.

LN : En matière de leadership, quelles difficultés spécifiques les femmes rencontrent-elles pour accéder aux postes de décision et comment peut-on les accompagner efficacement dans leurs parcours vers ces fonctions ?

Nadia Koné Nioupin : L’accès des femmes aux postes de leadership dans le secteur logistique, comme dans bien d’autres, reste un défi structurel. Plusieurs difficultés spécifiques entravent leur progression vers les postes de décision. Parmi elles, je note les biais de perception persistants. C’est-à-dire  une femme ambitieuse est encore trop souvent perçue comme autoritaire, tandis qu’un homme est valorisé pour les mêmes qualités. Ces biais inconscients freinent les promotions féminines. Le déficit de confiance en soi : Beaucoup de femmes hésitent à postuler à des postes de responsabilité tant qu’elles ne cochent pas 100 % des critères, là où certains hommes osent avec 60 %. Une sous-représentation dans les filières critiques qui servent souvent de tremplins vers les fonctions de direction. Pour les accompagner efficacement, il faut des leviers comme : Mettre en place des programmes de leadership féminin, pour renforcer les compétences stratégiques, la posture de dirigeante et la prise de parole en public . Valoriser la performance inclusive, en liant la diversité à la performance des organisations.

LN : La logistique est un secteur en constante évolution. Selon vous, comment les femmes peuvent-elles se positionner non seulement comme des participantes, mais aussi comme de véritables actrices du changement pour innover et transformer ce domaine?

Nadia Koné Nioupin : Vous avez raison de le souligner ,  la logistique est un secteur en pleine mutation, avec la digitalisation, les enjeux environnementaux, et les nouvelles exigences clients. Dans ce contexte, les femmes ne doivent pas seulement être présentes, elles doivent être au cœur de la transformation, en tant qu’actrices du changement. Pourquoi ? Parce qu’elles apportent une diversité de points de vue, une approche collaborative, et souvent une grande capacité d’adaptation, qui sont aujourd’hui essentielles pour innover.

Et aujourd’hui, elles peuvent se positionner en investissant les nouveaux métiers de la logistique par exemple le data, supply chain verte, l’automatisation, l’intelligence artificielle… Les femmes ont toute leur place dans ces domaines d’avenir, à condition qu’elles soient formées, encouragées et visibles.